Q, pour questionnement

Tentons une réflexion prudente à partir du Q campé à l’extrémité du sigle LGBTIQ… Ce Q qui se veut rassembleur défend la cause des êtres autoproclamés queer. Un terme anglo-saxon qui s’est fait connaître des francophones pour désigner les êtres en quête, en questionnement, quant à leur identité de genre et leurs préférences sexuelles.

C’est là le sens contemporain bien spécifique donné à un mot de l’anglais courant. La précision est d’importance au moment où une déléguée « à l’inclusion » se voit promue dans le Département des infrastructures et des ressources humaines du canton de Vaud, un poste voulu par la conseillère d’Etat Nuria Gurrite qui le dirige. Catherine Fussinger, chercheuse universitaire et mère lesbienne de famille dite « arc-en-ciel », devra promouvoir « une meilleure inclusion des personnes LGBTIQ dans l’administration cantonale et plus largement dans la société ».

Qui, à part les quelques mauvais coucheurs qui pestent sur les réseaux sociaux, ose encore contester la nécessité de soutenir l’appartenance à un genre souhaité, à des relations revendiquées. Mais quand un poste créé dans l’administration doit explicitement défendre les Q, quelque chose en moi tressaille en repensant au sens originel du mot queer. A savoir à part, bizarre parce que différent.

Ne sommes-nous pas nombreuses et nombreux à nous être trouvé.e.s « en questionnement » et donc queer à un moment donné de nos existences ? Je pense évidemment d’abord à ma génération, les ancien.e.s 68tard.e.s, les rescapé.e.s des années dites libertaires, les hommes et les femmes qui ont secoué nombre de limitations et d’oppressions dont celles liées au couple, à la famille, à la sexualité. Nous ne cherchions pas alors l’inclusion mais acceptions de nous situer hors-norme. Nous le souhaitions même. Une autre époque.

En me concentrant aujourd’hui sur le sens originel de queer, je m’interroge sur les différentes politiques inclusives préparées par le canton. Rebecca Ruiz le dit explicitement dans sa campagne électorale, le « projet participatif Vieillir 2030 » vise à inclure les « futurs seniors » et donc sans doute les quasi vieux actuels. Une nouvelle loi cantonale fera de même pour le handicap.

Toutes les catégories y sont, ouf. Un jour viendra peut-être le tour de la minorité des célibataires mécontents nommée « incel » dont je viens de découvrir l’existence. Ces regroupements de jeunes hommes insatisfaits de leur rapport aux femmes pourraient-ils un jour figurer sur la liste des minorités à inclure ?

J’ai pour ma part le sentiment d’appartenir au groupe incertain de celles et ceux qui ont beaucoup cherché, beaucoup erré peut-être, sans appartenir pour autant à une catégorie étiquetée « à inclure ». Celles et ceux qui figurent aujourd’hui au rayon des vieux mais revendiquent encore et toujours la remise en question de leurs choix de vie.

Que sera l’inclusion prévue pour nous autres les questionnants âgés dans les projets pilotes dédiés par le canton au 3e, 4e, voire 5e âge ? Quels lieux de rencontre et de vie, quelles approches de soins, quel langage et quels gestes, quel rapport au temps et, last but not least, quel accompagnement vers la mort.

03/05/2022

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