J’ai fait des collages avec assiduité et même passion pendant une dizaine d’années, jusqu’en 2014. Le processus est simple. Mettre en rapport des bouts d’images pêchées dans des magazines, des fragments de photographies happées avec mon iphone, y ajouter des interventions à la peinture, ici et là des objets. Parfois oser davantage. Sortir du cadre, tenter le relief, le tridimensionnel, assumer le mal collé/mal accroché, autant d’expériences tactiles et gestuelles qui me plaisent.
Peu à peu, les collages ont répondu à un texte en gestation et sont devenus série. Ainsi ceux qui ont été publiés en fin d’ouvrage dans Eva s’entête, un récit paru en 2014 aux Editions G d’Encre, en Suisse. Le texte est né d’abord. L’histoire d’Eva, une femme qui, ayant partiellement perdu la mémoire à la suite d’un accident, quête ses souvenirs en prêtant une attention de tous les instants à ses perceptions, à ses sensations. Eva, qui s’adonne à la broderie au point de croix pour concentrer son attention, lâche son aiguille pour se mettre à triturer des fragments de photographies et à y mêler de la peinture.
Autant de bribes disparates composant des images inattendues, comme la mémoire avec les souvenirs. Eva voit émerger ainsi sous ses doigts des femmes endormies haut dans la montagne, des danseuses sans tête virevoltant dans des paysages oniriques, des nonnes énigmatiques et des petites filles égarées sous l’eau. Autant de facettes d’elle-même qui figurent à la fin du récit.