Une bonne majorité de seniors occupent la salle lors de ces deux conférences sur la mémoire. En face d’eux, un professeur analyse le rôle central de l’hippocampe dans cette histoire et détaille son fonctionnement. Ce scientifique nous répète avec gourmandise que parmi les pathologies de la mémoire, sa préférée, c’est l’amnésie globale transitoire, soudaine mais réversible.
Sa conférence n’est donc pas censée apporter de réponse à ce qui préoccupe silencieusement les vieilles et vieux assis devant lui : nos trous de mémoire, nos oublis à répétition sont-ils « normaux » ? « Physiologiques », corrige le médecin. J’insiste, en vain : à quelles normes nous référer pour savoir si nous sommes, neurologiquement parlant, une vieille, un vieux… en bonne santé ?
Une semaine plus tard, la seconde conférencière dotée d’un doctorat en neuropsychologie concède quelques statistiques. Un tiers des inquiets qui consultent pour leur mémoire n’ont pas de trouble pathologique. Un tiers souffre d’un trouble mineur qui passe souvent inaperçu au sein de la population âgée. Et un tiers est clairement atteint de troubles cognitifs majeurs.
Que faire ? Etre accro à internet ne ratatine pas la mémoire, voilà qui nous rassure car utiliser les nouvelles technologies développe d’autres compétences. Mais le catalogue de mesures préventives qu’on nous propose enfonce des portes ouvertes. Bougez, faites du sport, acquérez de nouvelles connaissances, entretenez le lien social et mangez sainement ! On sait tout ça, non ? Alors quoi ?
Mon hippocampe s’agite, je cogite. Un tiers de ceux qui consultent pour leur mémoire atteints de troubles majeurs…. Ça fait beaucoup. L’anxiété représenterait-elle un facteur de risque accru de démence ? Comment diable savoir si nos « où a passé le prénom, de… où sont mes clés, la date du rdv » sont juste « physiologiques » ?
L’art d’obtenir des réponses précises doit sans doute s’entretenir lui aussi. Du fond de mon cerveau engourdi, je n’ai peut-être pas formulé mes questions de manière à entendre des informations convaincantes. J’ai donc couru prendre rendez-vous pour un bilan neurologique.